jeudi 13 février 2014
JEAN-PIERRE HONORE, BIJOUTIER.
Savoillans est un petit village à la limite nord du Vaucluse. Bordé d’un côté par le bien nommé Toulourenc (tout ou rien), garni de l’autre par des collines boisées. Une grappe de maisons bien serrées les unes contre les autres bravent sous la lumière bleue du matin, l’imprévisible Mont Ventoux. La dureté du paysage, cache pourtant un passé qui a toujours connu l’implantation de l’homme depuis les temps les plus anciens. Une villa gallo-romaine mise à jour en 1978, a livré monnaies, poteries et fragments d’animaux. La roche Guérin à un jet de là, témoigne d’abris utilisés depuis la préhistoire jusqu’au moyen-âge.
L’imposante ferme Saint Agricol.
La cour carrée intérieure.
Non loin du village dont les belles bâtisses datent du 17 ème siècle, sur un promontoire, la ferme Saint Agricol s’impose à la vue par son caractère fermé. Ancien couvent d’Ursulines, le bâtiment construit au 18 ème siècle prend la forme d’un quadrilatère percé sur une cour intérieure. Une partie de l’édifice est réservée à des appartements, tandis que les magnifiques salles voûtées sont aujourd’hui dédiées aux événements culturels et artistiques de la vallée. C’est là, au cœur de ce paysage « quasi religieux » que Jean-Pierre Honoré, « Bijoutier des Lavandes » a installé son atelier.
Jean-Pierre Honoré, bijoutier des lavandes.
Sur la musique entraînante de Vivaldi, un homme plutôt petit et tout en rondeur me reçoit. Tout dans son physique inspire la bonhommie. Tout de suite, je l’imagine en personnage de film ou de dessin animé. L’accueil est chaleureux. Rien de mieux pour commencer à se connaître que d’échanger quelques mots avec un café en main. Il me raconte l’histoire de cette femme étonnée de constater que les mains de bijoutier s’ornaient le plus souvent d’ongles noirs, de coupures, de mains rugueuses s’accordant mal avec l’idée qu’elle se faisait du bijou fini. Effectivement, les mains de l’artisan ne sont pas ingénues et laiteuses comme on pourrait s’y attendre. Elles ont la mémoire du travail. De celui qui use et qui s’incruste dans les sillons de la peau. Sur l’établi muni de sa peau de cuir, pinces à feu, triboulets, pièce à main, forets et une multitude de petits outils (parfois empruntés à la dentisterie), constituent une sorte de magasin hétéroclite. Tous attendent de prendre vie sous la main experte de l’artiste bijoutier.
L’artisan dans son environnement de travail.
Les fameux os de seiches.
Jean-Pierre Honoré en passionné d’héraldique me montre comment réaliser un blason par la technique du moule en os de seiche. Une technique ancestrale depuis que l’homme a voulu pour la première fois transformer une pierre en métal ou plus précieusement en manipulant l’or. Pour l’heure, il découpe au bocfil l’os de seiche en un parallélépipède – plus ou moins régulier – et insère dans le cœur souple de l’animal pour marquer l’empreinte en creux, la maquette du blason qu’il souhaite travailler.
Pour fabriquer un moule, il faut réaliser un parallélépipède régulier.
La maquette du blason est incrustée dans l’os de seiche.
L’empreinte en creux du blason qui recevra l’étain fondu.
Quelques coups de scie latéraux sur l’os de seiche serviront à repositionner précisément les deux parties du moule. Sous le feu du chalumeau, la barre d’étain fond en grosses gouttes. Le métal liquide est versé rapidement avec précision dans le fragile moule par le trou de coulée. Quelques minutes suffiront au refroidissement du métal blanc.
Le moule attend le mélange d’étain.
Par le trou de coulée, l’étain se diffuse dans le moule.
Ouvert précautionneusement, le moule révèle le blason qu’il faut encore ébarber, affiner en supprimant les petits défauts de l’étain et en préciser le contour à l’aide du bocfil.
le bocfil permet d’ébarber, de retrouver avec précision la forme originale.
L’héraldique est une science et un langage. Communication des formes, des figures, des couleurs. Sur le métal, la symbolique des couleurs se traduit par un jeu de graphismes inscrit dans la matière même. L’azur, le vermillon, l’argent, l’or etc… ont leur correspondance en hachures verticales ou horizontales, en barres échiquetées, en losanges ou autres semis de points. Pour achever son blason, le bijoutier doit ici se transformer en véritable graveur dans le strict respect des codes de l’héraldique. Chaque effet de matière est exprimé par un travail minutieux au poinçon et à la fraise.
La transcription des couleurs par des effets graphiques.
Le poinçon précise un trait, crée des hachures…
Jean-Pierre a mis ses gros yeux. Je dis « gros yeux » pour désigner le casque loupe qu’il pose sur sa tête un peu comme un heaume de chevalier. Il est vrai que le personnage est admiratif de l’épopée médiévale (l’héraldique aidant) et que, se déguiser en homme du moyen âge n’est pas pour lui déplaire. Cette fois, un dessin réalisé selon le nombre d’or lui a été confié afin de réaliser bague, pendentif et toutes sortes de déclinaisons possibles.
Un dessin tracé selon le nombre d’or.
— Ça, me dit-il, c’est pour le Condor, le groupe musical de Jean-François Gérold ! Vous connaissez ?
J’avoue mon ignorance.
— C’est un groupe d’inspiration provençale et celtique, mais loin du folklore traditionnel. Il y a parfois jusqu’à 100 musiciens sur scène, c’est un vrai spectacle… carrément magique. C’est à voir et à entendre. Moi, j’aime beaucoup.
Sur ce, l’artisan bijoutier se saisit de la bague qui représente un condor toutes ailes déployées. Il me parle du nombre d’or, des dessins de Villard de Honnecourt, un architecte du XIIIème siècle, de culture fondée sur la tradition maçonnique. Je sens bien que tout cela suit un chemin initiatique et spirituel qui a un véritable sens. Médiévalité, héraldique, ésotérisme, franc maçonnerie, il y a sans doute là pour Jean-Pierre Honoré, dans son parcours une véritable quête.
— Voilà, ça c’est une pièce unique, une bague originale pour Jean-François Gérold.
La bague travaillée pour le Condor.
Une pierre bleue, sertie, magnifiera le bijou.
Le bijou est superbe, aérien malgré sa forme complexe. Pour magnifier le métal doré, Jean-Pierre pose une petite pierre bleue dans les griffes du rapace. Il n’y a plus qu’a sertir ! Superbe ! C’est une touche de couleur qui donne immédiatement vie à la bague. J’imagine les reflets incisifs de la pierre sous les lasers de la scène.
Bijoutier des Lavandes comme il aime se définir, Jean-Pierre Honoré en homme passionné par sa région et son village, propose des journées à thème autour de Savoillans. Visite du village et de ses ruelles caladées, de la boulangerie au feu de bois, accompagnement sur le chemin botanique, visite d’une charbonnière etc…Outre ses talents de guide, il apprend même aux plus novices, comment transformer une pierre en métal avec un os de seiche, et surtout, comment réaliser à partir d’un brin de lavande, un bijou original et unique.
Être bijoutier à Savoillans, c’est avoir de multiples talents. Guide, démonstrateur, formateur, animateur…
Un brin de lavande plongé dans un mélange de plâtre, fera un moule original.
L’étain fondu remplacera la forme du brin de lavande.
Un petit bijou fantaisie original, réalisable par tous…même par des enfants.
Chacun repart, une fois son « œuvre » réalisée avec un magnifique diplôme de « maître bijoutier ». Vraiment la visite de l’atelier de Jean-Pierre Honoré, s’impose pour découvrir des bijoux qui sont des pièces uniques réalisées à partir de fleurs de lavande. Et vous pourrez vivre, tout comme j’ai pu les vivre de bons moments de découverte dans les salles voûtées, chargées d’histoire de la ferme Saint Agricol.
Jean-Pierre Honoré
Le Bijoutier des Lavandes
Ferme Saint Agricol
84390 Savoillans
Tel. : 04 75 28 68 03
Mob. : 06.65.59.45.37
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